No longer Rangers - Critique

Attention ça va vite.

Negi Haruba a montré avec The Quintessential Quintuplets sa capacité à apporter de la fraicheur dans un genre aussi codifié et usé que la romcom lycéenne. Dans sa dernière série, No Longer Rangers, le jeune mangaka (32 ans !) s’attaque à un autre genre autrement plus imposant, mais tout aussi strictement structuré : le super sentai. Et s’il est déjà possible de lire la série depuis quelque temps chez Pika Édition, elle a vu son adaptation anime diffusée ce printemps sur Disney+. Autre manière de découvrir cette œuvre au concept original et captivant, mais pas sûr que ce soit recommandé pour autant.

L’histoire de No Longer Rangers prend place dans un monde de Super Sentai dépeint de manière crédible. Les Gardiens Dragons protègent la population depuis treize longues années de terribles envahisseurs venus de l’espace, composés de Monstres-chefs et leurs combattants aux noms alphabétiques. Cependant la véritable guerre est terminée depuis bien longtemps, et il ne reste guère qu’un groupe de faibles combattants. La magie du capitalisme opérant, cette situation a été monétisée au sus de tous par le biais de la « bataille dominicale ». En clair, le monde entier s'enthousiasme chaque dimanche devant un combat entre héros et monstres, en ignorant que tout n’est que supercherie.

C’est épuisé par ce système répétitif et humiliant pour les combattants que le combattant D se décide de prendre large. Son souhait est simple : détruire les rangers. Mais le chemin pour y parvenir s’annonce évidemment ardu. Sauf qu’avec une aide inattendue, il va parvenir à s’infiltrer en leur sein. Il y entame alors sa quête de vengeance, aidé par sa capacité de métamorphose et d’autres alliés souvent imprévus, mais bienvenus.

© Negi Haruba, KODANSHA/ "Go! Go! Loser Ranger! " Production Committee

Alors, il s’agit d’un résumé particulièrement simplifié des premiers épisodes dont le déroulement est bien plus complexe. Mais cela confère une entame particulièrement excitante à la série qui propose rebondissements sur rebondissements. Une exposition amplement étalée exigeant de la patience pour cerner réellement la direction prise par le récit. Le titre joue allègrement avec les codes du super sentai jusqu’à son esthétique, ponctuée de poses iconiques et d’artefacts légendaires.

No Longer Rangers se veut volontairement plus cru que ce qui peut se faire dans ce genre habituellement tous publics. Mais sans être particulièrement trash ni même gore (contrairement à un The Boys auquel la série est souvent comparée), elle apporte un certain degré de violence et de mesquinerie. Il y a notamment une dynamique presque sadique entre rangers et combattants tant leur rapport de force est déséquilibré pour ces derniers. L’enjeu du récit est néanmoins de présenter une vision bien plus ancrée dans la réalité que foncièrement marquée par davantage de maturité.

© Negi Haruba, KODANSHA/ "Go! Go! Loser Ranger! " Production Committee

Tout ceci amène un univers plutôt intéressant à suivre dans sa manière de tordre le genre super sentai. Le système des rangers s’apparente ainsi à une industrie du divertissement absolument monumentale, tout en reposant sur un subterfuge bien gardé. La toxicité de cet environnement fait froid dans le dos, en particulier avec l’attitude ultra-narcissique du Ranger Rouge, et on en vient rapidement à soutenir le combattant D dans sa quête pour les faire tomber. Ce qui offre aussi une excellente base pour de nombreux développements de personnages souvent bien plus complexes et nuancés qu’ils le laissent paraitre.

Le travail d’écriture en profondeur de No Longer Rangers démontre son excellence, mais l’adaptation peine à lui faire honneur. Passer l’excitation des premiers épisodes, l’anime s’empêtre dans un rythme désagréablement décousu et accéléré par rapport au matériau d’origine. Une volonté assumée du réalisateur Keiichi Satou, désireux de proposer un rythme plus intense à la série que celui du manga. Si l’intention est louable, l’exécution résulte en une narration inutilement confuse, dépourvue de certains passages, parfois même juste quelques répliques, nécessaire au bon développement de l’intrigue. À cela s’ajoute un montage un tantinet chaotique qui n’arrange pas à la lisibilité de plusieurs séquences d’action.

© Negi Haruba, KODANSHA/ "Go! Go! Loser Ranger! " Production Committee

Dommage donc, d’autant qu’on garde un développement intéressant, comme la remise en question de l’objectif des combattants et donc de la raison d’être de D lui-même. Puis il faut tout de même saluer les qualités de la réalisation de Keiichi Satou, très bon dans l’iconisation des personnages. Il y a aussi un super travail pour rendre l’anime impressionnant dans les effets visuels et l’intensité des affrontements. La richesse d’un titre comme No Longer Rangers n’est pas des plus simples à aborder, et les contraintes standards du format TV n’y aident pas non plus. On aurait, par exemple, pu imaginer un format de 30 minutes pour garder certaines nuances perdues dans la seconde moitié.

Verdict

Faut-il bouder l’anime de No Longer Rangers à cause de sa précipitation ? Pas nécessairement, même si un passage sur le manga ne risque pas d’être inintéressant pour mieux saisir cette seconde moitié désordonnée. Il faut aussi espérer que la seconde saison s’en sorte mieux sur le rythme, d’autant que le reste de la production est franchement satisfaisant pour un titre de ce genre. Toujours est-il qu’il serait dommage de passer à côté d’une œuvre aussi passionnante, quitte à la découvrir par cette adaptation intense mais déséquilibrée.

Dans cet article

Critique No longer Rangers : attention ça va vite

6
Correct
Une adaptation qui met le cœur à l'ouvrage dans l'iconisation de sa mise en scène, mais peine à transcrire clairement toute la nuance du matériau d'origine, la faute à un rythme certes intense mais trop précipité.
No longer Rangers