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23.02.23

GENS DE BEHAVIOUR

L’histoire des Noirs, ici, maintenant 

Malgré son nom, le Mois de l’histoire des Noir.e.s est un moment important pour mettre en lumière le présent et entendre les témoignages de jeunes créateur.trice.s noir.e.s qui font bouger les choses aujourd’hui.  

C’est dans cet esprit que nous avons invité trois de nos talentueux.euses collègues ici chez Behaviour – Shaun Brown, Lenny Frimpong et Chris Abbey – pour nous en dire plus à leur sujet et nous parler de leurs ambitions créatives et de ce que le Mois de l’histoire des Noirs signifie pour eux.elles.  

Voici quelques-uns des moments forts des passionnantes conversations que nous avons eues avec chacun.e d’entre eux.elles. 

Shaun Brown, coordonnatrice du marketing par courriel et de la gestion des relations-client.e.s, Toronto 

Shaun pensait autrefois qu’elle voulait être astrophysicienne, mais elle passe aujourd’hui son temps libre à s’interroger sur un sujet qui lui est plus personnel, à savoir, la question de ses origines. 

« Lorsque j’étais à l’université à Halifax, on me demandait souvent d’où je viens et c’est devenu une question très intéressante, complexe et extrêmement chargée », dit-elle.  « Je n’étais pas assez noire pour que l’on me considère d’origine antillaise, mais je ne correspondais pas non plus aux critères que les gens associent à une personne uniquement originaire de l’Ontario », déclare cette native de Pickering, une ville proche de Toronto. 

Plutôt que de la décourager, cette question a déclenché chez elle un parcours intellectuel et l’idée d’un roman sur lequel elle travaille actuellement. « J’étais fascinée par les mots, les différents dialectes et la façon dont de simples phrases pouvaient signifier quelque chose de différent pour d’autres personnes », dit-elle. « Ma grand-mère et ma mère, qui sont nées et ont grandi en Jamaïque, ont des expressions différentes pour désigner les choses. J’ai réalisé le nombre de mots que je ne prononçais pas correctement parce que j’avais grandi avec des gens qui parlaient leur propre dialecte, en quelque sorte. J’ai commencé à réfléchir sur le fait qu’un même mot peut signifier tant de choses différentes pour autant de personnes différentes. » 

Avec pour titre provisoire « Sap from a maple tree (Sève d’un érable) », Shaun nous révèle que son roman s’inspire de la tension suscitée par le sentiment d’être tiraillée entre deux mondes. « Lorsque ma famille parlait de sève, elle faisait référence à la mélasse de la canne à sucre, mais lorsqu’on pense à la sève ici (au Canada), cela évoque la sève du sirop d’érable. Donc, pour moi, la sève évoquait le mélange de mes deux cultures tout en me rappelant subtilement ce sentiment de ne pas être assez antillaise, mais aussi peut-être, de ne pas me sentir assez canadienne. La sève, c’est cet état pur avant de devenir quelque chose d’autre. » 

Une célébration consciente 

L’approche de Shaun par rapport à la langue se reflète dans la façon dont elle considère le Mois de l’histoire des Noir.e.s – comme quelque chose à célébrer sciemment. « L’histoire des Noirs, c’est quelque chose que je vis au quotidien. C’est le bon, le mauvais et le pire – tout à la fois, » dit-elle. « Ma famille a toujours pris le temps de célébrer notre identité, notre origine et la force et le courage que nous pouvons en tirer pour affronter les épreuves de la vie. »  

Mais ce qui est tout aussi important, ajoute-t-elle, c’est de rester conscients des difficultés, non seulement du passé, mais aussi du présent. « L’essentiel, c’est de célébrer sans pour autant ignorer les différents systèmes et structures qui ne profitent pas aux Noirs autant qu’ils profitent aux autres, » dit-elle.  

La lecture est un excellent moyen de vous développer en tant qu’allié.e.s, déclare Shaun, tout comme la création d’espaces pour discuter du langage et renforcer la compréhension. « Ça me ramène à ma fascination pour les mots et le fait d’être conscients de ce que vous dites et de la façon dont certains mots peuvent être perçus. Si vous avez dit quelque chose qui pourrait être perçu d’une façon différente, le fait d’avoir le genre d’espace où nous pourrions parler de ce sujet d’une façon ouverte et sincère serait d’une très grande aide. Être ouvert à ces discussions, c’est la clé. » 

Lenny Frimpong, concepteur de systèmes, Midwinter 

Parmi les drapeaux nationaux représentés sur les profils Web de nos collègues de Seattle, le drapeau rouge, jaune et vert du Ghana avec sa belle étoile noire se démarque fièrement sur celui de Lenny Frimpong. 

Bien qu’il vive au Canada, Lenny déclare qu’il était important de représenter ses racines ghanéennes. « Je pensais que ce serait bien pour quelqu’un en recherche d’emploi de constater qu’une personne de cette culture travaille dans ce studio », explique-t-il. « J’adorerais que quelqu’un voit ce drapeau et se dise, ‘Ouah, je ne peux pas croire qu’on trouve des Ghanéens dans la culture du jeu vidéo.’ Peut-être que ça incitera cette personne à poursuivre une carrière semblable ou une carrière à laquelle elle n’avait pas pensé au départ. » 

Aider les enfants noirs à se projeter dans les jeux et dans le monde professionnel des jeux vidéo est une mission personnelle pour Lenny, qui a grandi en aimant les jeux vidéo, mais sans réaliser qu’il pouvait avoir une carrière dans cette industrie. « Pour moi, comme je ne me retrouvais pas dans les personnages, c’est devenu la norme dans ma tête », avance-t-il. « Je pensais juste que c’était comme ça et du coup, je n’envisageais même pas une carrière dans le jeu vidéo. L’idée ne m’a jamais traversé l’esprit. » 

Changer le récit 

Contribuer à modifier le discours qu’il entendait dans son enfance sur l’Afrique, lieu de pauvreté et de famine, est une autre motivation majeure, dit-il – « Ce n’était jamais l’Afrique que je connaissais. Le Ghana est un pays fantastique où on retrouve de grands footballeurs, des villes dynamiques et plein de trucs à faire – c’est pourquoi c’est important de changer le récit. » 

Cela s’applique aussi au Mois de l’histoire des Noir.e.s. Selon Lenny, on se contente trop souvent de présenter les mêmes informations constamment recyclées pour cette commémoration.  « Introduisons de nouvelles informations sur ce qui se passe actuellement et regardons ce que les gens font aujourd’hui. Les gens doivent savoir que les chances de réussir n’appartiennent pas qu’au passé; les gens réussissent aujourd’hui et nous devons nous concentrer sur celles et ceux qui accomplissent de grandes choses. » 

Lenny pourrait bien figurer dans ce palmarès des grandes réussites un jour, si tout se passe bien pour sa nouvelle boutique Etsy, TetheredXHearts. « Je recherchais une activité supplémentaire amusante, qui pourrait me conduire à confectionner des vêtements, alors j’ai commencé à vendre des épinglettes en petite quantité », déclare-t-il. « Ça m’a appris des trucs comme la gestion de l’inventaire et quels types d’articles sont les meilleurs vendeurs, j’ai découvert plein de choses fascinantes. » 

Lenny a l’intention de diversifier la marchandise en stock dans son magasin, qui vend actuellement des épinglettes émaillées Air Jordan, pour y ajouter des chaussettes et plus tard, des tee-shirts et des vestes. Vous avez bien compris – il mise sur les chaussettes. « Ouais, donc je mène des recherches et c’est vraiment passionnant. Quel est mon projet? Qu’est-ce qui poussera les gens à les acheter? Comment je veux commercialiser ces chaussettes? Il faut connaître son public. Et j’adore ce genre de recherches. C’est aussi ce que j’adore à propos des jeux vidéo. » 

Chris Abbey, coordonnateur du marketing, Montréal 

 

Chris est arrivé à Montréal depuis la France en décembre 2019 avec le rêve de travailler dans les jeux vidéo. Sans aucune expérience préalable dans l’industrie, cet étudiant en commerce international a fait preuve de débrouillardise pour convertir sa passion de longue date pour les jeux en une baladodiffusion intitulée Du temps et des jeux.  

« J’avais besoin de trouver une façon de distinguer mon profil et de démontrer ma passion pour les jeux vidéo », dit-il au sujet de l’origine de son émission, lancée au début de la pandémie. « Donc, au début, ce fut un formidable cheval de Troie parce que je savais que forcément, ça allait aider ma carrière professionnelle. Mais j’aime aussi parler aux gens et écouter leurs histoires. » 

Les invité.e.s de sa baladodiffusion sont prié.e.s de parler de trois jeux vidéo qui occupent une place particulière dans leur cœur. Parmi les personnes qui y ont participé, on retrouve aussi bien son frère que certains des plus grands noms du monde du jeu vidéo et des divertissements en France et au Québec, comme l’auteure-compositrice-interprète montréalaise Cœur de Pirate.  

Des voix différentes 

En plus d’assouvir ses deux passions que sont les jeux vidéo et la rencontre de gens fascinants, Chris ajoute qu’il réfléchit beaucoup à s’assurer que la baladodiffusion présente des invité.e.s de tous les milieux et de toutes les origines culturelles. « La question de la représentation est très importante à mes yeux », dit-il, en faisant référence à des entretiens qu’il a eus avec le collectif Afrogameuses, qui plaide pour plus d’espaces inclusifs et d’opportunités pour les femmes noires francophones dans le secteur des jeux vidéo. « Je pense vraiment qu’il est important d’accorder de la visibilité à ces types de structures et à des voix différentes que vous n’entendriez pas normalement. » 

En tant que fils de parents togolais qui ont émigré vers la France avec le statut d’étudiant.e.s, Chris déclare que son héritage africain a toujours occupé une place centrale dans son identité. Le Mois de l’histoire des Noir.e.s, cependant, a été une nouvelle découverte pour lui depuis qu’il est venu en Amérique du Nord. « La célébration de la diversité est un peu mal vue en France, et c’est pourquoi c’est plaisant de voir qu’ici, la société et les entreprises essaient de développer ces initiatives », dit-il. « En même temps, il est très important de ne pas réduire les gens à un mois seulement, mais de les célébrer pendant toute l’année et de s’assurer qu’ils ont accès aux mêmes possibilités et à la même visibilité. »