The Elder Scrolls VI, Bethesda, jeux mobiles : Microsoft renforce sa position dans son procès contre la FTC

Ce qu'il y a à retenir de ce week-end pas très passionnant.

Le procès qui oppose Microsoft à la FTC s’est poursuivi le vendredi 23 juin dernier, et après un départ sur les chapeaux de roues, les quelques révélations du vendredi, signées Phil Spencer, dirigeant d’Xbox Game Studios, étaient assez sobres.

Pour rappel, la Commission fédérale du commerce des États-Unis a entamé une procédure judiciaire contre Microsoft dans le but d’empêcher son acquisition d'Activision Blizzard. Un second procès aura lieu plus tard dans l’année, mais ce premier passage au tribunal est lié à une demande d’injonction préliminaire déposée par la FTC ; l’entité souhaite bloquer l’acquisition jusqu’à ce qu’elle ait obtenu gain de cause dans son recours en justice.

Le second passage au tribunal de la FTC est prévu pour le 2 août prochain et cette mesure de la FTC est surtout destinée à empêcher Microsoft et Activision de boucler l’accord. Les 2 parties ont jusqu’au 18 juillet prochain pour conclure l’accord.

Le premier jour du procès, des révélations assez folles sont tombées assez rapidement. Sarah Bond, la vice-présidente d’Xbox a notamment expliqué qu’à l’origine, Activision ne voulait pas rendre Call of Duty disponible sur Xbox. Dans un email rendu public, on découvrait que Jim Ryan, le président de Sony Interactive Entertainment, ne se sentait pas menacé par cet accord qui ne retirerait pas les jeux Call of Duty des consoles Playstation.

Confirmation sous serment

Le président de SIE avait vu juste. Phil Spencer ne retourne pas sa veste au sujet de Call of Duty et prête même serment : le dirigeant d’Xbox Game Studios a déclaré qu’Xbox fera « tout son possible » pour que les jeux Call of Duty restent disponibles sur les consoles Playstation.

Le dirigeant l’avait déjà affirmé puisque la question de l’exclusivité Xbox était revenue à plusieurs reprises à propos de cette licence en particulier. CoD n’aurait jamais été une exclusivité Xbox dans tous les cas : Microsoft avait passé un accord pour envoyer la licence sur la Nintendo Switch.

L’énorme manœuvre d’Xbox à propos de Bethesda

Le sujet des exclusivités est sans fin dans ce procès. La FTC a souhaité se pencher vers le cas de Bethesda, le développeur obtenu par Microsoft lors de l’acquisition de ZeniMax. Et d’après le dirigeant d’Xbox Game Studios, cette acquisition était assez particulière. « L’une des raisons derrière [l’acquisition de ZeniMax] est que Sony avait conclu un accord pour Deathloop et Ghostwire afin que Bethesda ne livre pas ces jeux sur la Xbox », révèle Phil Spencer. « Quand nous avons appris que Starfield aurait aussi évité les consoles Xbox, nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas nous retrouver dans une position encore plus désavantageuse en termes de propriété de contenu, nous avons dû sécuriser du contenu pour rester viable dans le marché [des jeux] ».

L’acquisition de Bethesda était synonyme d’essor chez Xbox. « Je veux que notre annonce de l’accord avec Bethesda soit forte, qu’on se concentre sur ce que Bethesda apportera à la Xbox », écrivait Phil Spencer dans un mail envoyé à Matt Booty et Sarah Bond, deux des acteurs principaux du premier jour du procès Microsoft vs FTC. « Je veux que l’on soit assez à l’aise pour dire… que l’acquisition de Bethesda rendra Xbox plus fort. Nous nous concentrons sur la place de Bethesda au sein de l’écosystème Xbox ».

The Elder Scrolls VI : exclusivité en devenir ?

Hormis l’échec Redfall, Xbox a su mettre Bethesda en avant, et cela se poursuivra normalement avec le jeu qui sera développé après Starfield, à savoir The Elder Scrolls VI. La FTC a cherché à comprendre si le jeu, à l’instar de Starfield, sera exclusif aux consoles Xbox et sur ce point, même Phil Spencer semble incapable de répondre.

« Je pense que nous n’avons pas été assez clairs au sujet des consoles sur lesquelles le jeu sera lancé, sachant que le jeu ne sortira pas de sitôt », indique Phil Spencer. « C’est difficile à définir à ce moment précis. [The Elder Scrolls VI] arrivera dans tellement longtemps qu’il est difficile pour nous d'affirmer quelles seront les plateformes au moment [du lancement du jeu] ».

Pour obtenir une réponse plus précise du dirigeant d’Xbox Game Studios, la FTC se penche sur une des interviews qu’il a donné au magazine GQ en 2021. Une phrase de l’interview – qui n’est pas une phrase prononcée et retranscrite mais bien une formulation du journaliste de GQ – nous laisse penser que Phil Spencer compterait faire de TESO VI une exclusivité. « Je n’ai pas réalisé de déclaration publique reprenant cette idée », répond sobrement le dirigeant d’Xbox Game Studios. « Quand j’ai dit ça, je croyais à cette idée, mais si vous me demandez aujourd’hui, je n’ai pas de déclaration publique à vous fournir ».

Minecraft : Sony serait fautif pour la version PS5

Si Microsoft et Bethesda décident de faire de TESO VI un jeu disponible sur d’autres consoles, encore faut-il que les constructeurs fournissent les consoles nécessaires au développement des futurs jeux. D’après Phil Spencer, la faute revient à Sony dans le cas de la version PS5 de Minecraft. Le cas a également été abordé lors du procès.

« Sony hésitait à nous fournir des dev kits Playstation… cela nous a mis en retard pour le développement de Minecraft sur PS5 », explique Phil Spencer. « Je pense que les équipes de Sony auraient pu envoyer ces kits de développements à Microsoft comme elles le font pour n’importe quel autre éditeur ». D’après la FTC, Microsoft aurait rétorqué en n’ayant créé aucune version optimisée de Minecraft pour la PS5. Cela dit, il n’y a pas de version de Minecraft optimisée pour Xbox Series X|S non plus.

Le dossier Minecraft Dungeons a aussi été mentionné brièvement. La FTC a mis en avant une courte conversation entre Phil Spencer et Mike Nichols, l’ancien responsable du marketing chez Xbox. D’après la Commission, les deux étaient d’accord et pensaient à rendre Minecraft Dungeons exclusif aux consoles Xbox. Le jeu est finalement sorti sur PS4, Xbox One, PC et Nintendo Switch. D’après IGN US, les responsables auraient même évoqué la possibilité de faire du dungeon crawler un jeu disponible uniquement sur PC.

La « vraie » guerre des consoles

La guerre des consoles a de nouveau fait parler d’elle lors du second jour du procès. Après avoir proclamé qu’Xbox a « perdu la guerre des consoles », le camp Microsoft s’attaque maintenant à un nouvel ennemi. « Google et Apple contrôlent totalement la plus grosse plateforme de jeu », analyse le dirigeant d’Xbox Game Studios. « Apple ne veut pas nous laisser mettre une application de streaming de jeu sur l’App Store, de ce fait, nous ne pouvons pas proposer nos jeux consoles sur leur boutique ».

« C’est la compétition pour avoir le contrôle de la plus grosse plateforme de jeu »

D’après Phil Spencer, cela serait un effet d’une autre sorte de compétition, qui n’a quasiment pas été évoqué jusqu’ici. « C’est la compétition pour avoir le contrôle de la plus grosse plateforme de jeu. [Les jeux Xbox] sont des jeux auxquels les joueurs veulent jouer et nous avons une méthode pour leur offrir ces jeux, mais [Apple et Google] choisissent de bloquer cela ». Si, comme Phil Spencer le dit, Apple « a été autorisé à faire ça », il ne serait pas étonnant de voir la guerre des consoles changer de monde dans les années à venir.

Activision Blizzard, le remplaçant de Zynga

Pour se lancer sur le marché du jeu mobile, Microsoft a pensé à passer par des éditeurs de jeux tiers. Le premier dans le viseur de la firme de Redmond aurait été Zynga. Phil Spencer a confirmé que Microsoft avait envisagé de racheter l’éditeur de San Francisco, avant que Take-Two ne s’en empare.

« J’ai beaucoup de respect pour les équipes de Zynga et ce qu’elles ont créé. En fin de compte, pour nos futurs plans, nous nous sommes dit que nous avions besoin de quelque chose de plus grand que Zynga, quand on prend en compte notre minuscule base de lancement sur le marché du gaming mobile », se remémore Phil Spencer.

« J’ai passé beaucoup de temps avec Amy Hood, la responsable du bureau des finances de Microsoft, à chercher quelles opportunités étaient disponible sur le marché et il s’avère qu’Activision était le plus gros éditeur mobile », poursuit-il. « [Activision] est un partenaire que nous connaissons très bien, puisque ça fait longtemps que nous travaillons ensemble, et nous étions à l’aise avec leurs studios et leurs employés. Mais le plus important, c’était leur portfolio et le trafic qu’ils généraient sur mobile ».

Sans compter les jeux développés directement par Activision Blizzard, il faut aussi penser à l’un des studios que l’éditeur a racheté en 2021 : Activision avait réussi à s'emparer de King Digital Entertainment, le développeur du jeu Candy Crush Saga. Avec Activision Blizzard à ses côtés, Microsoft devrait pouvoir se lancer à l’assaut du marché du jeu mobile.

Sony ne voyait (visiblement) pas de problèmes avec l’accord

Si le mail de Jim Ryan ne suffisait pas, Phil Spencer reprécise davantage que Sony ne se sentait visiblement pas en danger avec cet accord entre Activision Blizzard et Microsoft. Les principaux gérants de Sony en ont discuté avec lui très peu de temps après l’annonce de l’accord. « J’ai reçu de la positivité et des encourgaments de la part de [Kenichiro Yoshida, président de Sony] », révèle le dirigeant d’Xbox Game Studios.

Jim Ryan a également contacté le dirigeant lors d’un appel « plus long » et lui aurait fait part de ses pensées sur l’acquisition. « Il a compris le raisonnement derrière cet accord. Je pense que l’email qui a été dévoilé [le jour précédent] nous montre bien qu’il a compris que [l’accord] n’a rien à voir avec Playstation ». À priori, la guerre que Phil Spencer cherche à mener est bien plus… mobile.

La FTC commet des erreurs anormales

Avec toutes les informations qui ressortent de ce premier procès, on se demanderait presque si la FTC ne mènerait pas une guerre qui n’a pas lieu d’être. Pire encore, la Commission commet des erreurs assez grossières et il est important que l’entité revoie sa stratégie avant d’entamer le second procès pour tenter de bloquer l’accord.

Le premier jour du procès, la vice-présidente d’Xbox Sarah Bond avait expliqué aux représentants de la FTC le mode de fonctionnement du cloud gaming, un système qui fait partie de l’argumentaire en défaveur de l’accord. Lors de la seconde journée de procès, Phil Spencer s’est mis à apprendre à la FTC… comment l’accord d’environ 70 milliards de dollars fonctionne.

« Quand vous réalisez une acquisition, ce n’est pas un paiement. C’est comme quand vous achetez une maison. Vous achetez un actif qui a une valeur, donc c’est plus un transfert d’argent au sein de cet actif du nom d’Activision, qui conserve la valeur que vous venez d’acquérir », explique Phil Spencer.

« Essayer de dire que ces 70 milliards de dollars ont été dépensés est incorrect », déclare-t-il. « Financièrement, nous déplaçons juste 70 milliards de dollars dans un actif, qui est un éditeur de jeux, et qui – pour nous – vaut plus que 70 milliards de dollars. Cet argent n’est pas dépensé ».

Le procès reprendra le mardi 27 juin et la FTC a visiblement intérêt à revoir sa stratégie si elle souhaite bloquer l’accord entre Activision Blizzard et Microsoft. Phil Spencer a réussi à défendre son camp et Microsoft semble lancé sur la bonne voie pour mettre un terme à cette affaire.


Tarek Diouri--Adequin est rédacteur en alternance pour IGN France. Grand fan de mangas et d'anime, le journaliste a l'âme artistique. Il ne sait pas tout, mais sait ce qu'il sait. Les JRPG, c'est son truc aussi. Vous pourrez le trouver occasionnellement sur son Twitter.

Dans cet article

Starfield

Bethesda Game Studios | 6 septembre 2023
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